La CEDEAO organise une session de haut niveau sur la cyberdiplomatie pour renforcer la résilience régionale et la coopération numérique
21 May, 2025Longtemps perçue comme une préoccupation secondaire, la cyberdiplomatie occupe désormais une place centrale dans les débats mondiaux sur la sécurité. En Afrique de l’Ouest — où les infrastructures numériques se développent rapidement et où les menaces transfrontalières se multiplient — les acteurs régionaux ne sont plus de simples observateurs : ils s’affirment comme des leaders et se positionnent stratégiquement pour façonner les protocoles, les normes et les alliances qui régiront le cyberespace pour les décennies à venir.
Dans ce contexte, la Commission de la CEDEAO, en partenariat avec la Délégation de l’Union européenne au Nigéria et auprès de la CEDEAO, ainsi qu’avec le ministère fédéral allemand des Affaires étrangères, a organisé une session de haut niveau sur la cyberdiplomatie à l’intention du Comité des représentants permanents (COREP) de la CEDEAO, le 20 mai 2025 à Abuja, au Nigéria. Cette rencontre a réuni des ambassadeurs, de hauts diplomates, des partenaires internationaux et des experts techniques, dans le but de déterminer comment l’Afrique de l’Ouest peut s’exprimer d’une seule voix et agir avec cohérence stratégique dans l’arène numérique mondiale.
Dans son discours d’ouverture, S.E. M. Sédiko Douka, Commissaire de la CEDEAO chargé des Infrastructures, de l’Énergie et de la Numérisation, a exhorté les États membres à intégrer la cyberdiplomatie dans leurs politiques étrangères et de sécurité.
« La cyberdiplomatie n’est plus une option — c’est une nécessité. Elle nous permet de défendre notre souveraineté numérique, de renforcer la confiance entre États membres et de participer activement à l’élaboration des règles qui régiront le cyberespace en Afrique et au-delà », a-t-il déclaré.
Reprenant cette vision stratégique, M. Massimo De Luca, Chef de la Coopération à la Délégation de l’Union européenne, a réaffirmé le soutien de l’UE à un écosystème numérique sûr et inclusif en Afrique de l’Ouest. Il a souligné le lien étroit entre cybersécurité, démocratie, stabilité économique et développement durable.
« Notre coopération en matière de cybersécurité ne se limite pas aux aspects techniques : elle concerne la protection des citoyens, des entreprises et de l’espace démocratique. La CEDEAO montre l’exemple », a-t-il affirmé.
Prenant la parole en tant que partenaire bilatéral engagé, S.E. Mme Annett Günther, Ambassadrice de la République fédérale d’Allemagne au Nigéria et auprès de la CEDEAO, a salué le rôle croissant de la CEDEAO dans la définition des normes numériques mondiales.
« L’avenir de la diplomatie est déjà numérique. En renforçant les structures, en consolidant les connaissances et en s’exprimant d’une seule voix, la CEDEAO peut démontrer comment un bloc régional peut promouvoir un comportement responsable dans le cyberespace », a-t-elle souligné.
S’exprimant au nom des États membres, S.E. l’Ambassadeur Musa Sani Nuhu, Représentant permanent du Nigéria auprès de la CEDEAO et Président du COREP, a insisté sur l’importance de la volonté politique et de la diplomatie collective.
« L’Afrique doit être présente dans les espaces où les règles mondiales sont définies — pas comme observatrice, mais comme actrice. La CEDEAO a la légitimité, la volonté politique et la voix collective pour agir ensemble. Utilisons-la », a-t-il déclaré.
La séance a également bénéficié de l’intervention de S.E. Mme Maria Adebahr, Ambassadrice pour la cyberdiplomatie au ministère fédéral allemand des Affaires étrangères, qui a partagé les orientations stratégiques de l’Allemagne dans les négociations cyber internationales.
« La cybersécurité, l’intelligence artificielle et les technologies émergentes doivent être abordées avec des compétences diplomatiques solides, une cohérence politique et une unité régionale », a-t-elle déclaré. « La CEDEAO a prouvé qu’elle est prête à diriger. »
La deuxième partie du programme a été consacrée au renforcement des capacités techniques. Mme Sorina Teleanu, de la DiploFoundation, a présenté les cadres multilatéraux existants et les points d’entrée pour les négociations. Elle a positionné la cyberdiplomatie comme un domaine opérationnel dans lequel la CEDEAO a tout intérêt à s’engager, notamment dans les processus mondiaux tels que le Groupe de travail à composition non limitée des Nations Unies (OEWG) et le Pacte numérique mondial.
Des interventions complémentaires de M. Moctar Yedaly, Directeur régional Afrique du Global Forum on Cyber Expertise (GFCE), et de la Dr. Katherine Getao, ancienne Secrétaire aux TIC du Kenya, ont enrichi les échanges en mettant l’accent sur la nécessité de réformes juridiques nationales, de la collaboration inter-agences et de la préparation aux risques numériques sur l’ensemble du continent.
Le partage d’expertises techniques s’est poursuivi avec les interventions de la Dr. Nnenna Ifeanyi-Ajufo, de M. Abdul-Hakeem Ajijola et de M. Vladimir Radunović, qui ont fourni des orientations juridiques et stratégiques sur la mise en œuvre des cadres régionaux existants. Ils ont tous souligné l’importance de rendre pleinement opérationnelle la Directive de la CEDEAO sur la cybersécurité et la protection des infrastructures critiques d’information, adoptée en décembre 2023, ainsi que d’investir dans les mesures de confiance (CBMs) dans l’ensemble de la région.
En conclusion, un message fort s’est dégagé : la cyberdiplomatie n’est pas réservée aux grandes puissances. C’est une nécessité stratégique pour toute région qui souhaite garantir son développement, sa souveraineté et sa stabilité. Par cet engagement, la CEDEAO confirme sa position d’acteur crédible et visionnaire dans la gouvernance numérique mondiale.
Cette session de haut niveau s’inscrit dans le cadre du mandat élargi de la Commission de la CEDEAO visant à intégrer la gouvernance numérique, la sécurité régionale et la diplomatie multilatérale dans ses mécanismes d’intégration. En coopération avec l’Union européenne et la République fédérale d’Allemagne, la CEDEAO continue de promouvoir un avenir numérique sûr, ouvert et inclusif pour l’ensemble de ses États membres.